Avec Sanergy, des toilettes dans les bidonvilles de Nairobi

Sanergy Alex Wekesa

© Sanergy

8 bidonvilles

entièrement équipés

646 toilettes

utilisées plus de 30 000 fois par jour

7 500 tonnes

de déchets traités

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Reportage

Dans les quartiers pauvres de la capitale kényane, les toilettes « à domicile » sont rares. Ce sont plutôt des sacs en plastique ou des fosses à ciel ouvert qui servent aux besoins élémentaires. En réponse à ce danger sanitaire, la société Sanergy a développé un réseau de toilettes payantes à bas coût. Et elle en a optimisé l’usage. Les déchets organiques sont transformés en engrais, puis commercialisés auprès des paysans. Ce business model au service des plus démunis est soutenu par le fonds Novastar, dans lequel Proparco a investi.

LE CONTEXTE

Plus de 2,5 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à une installation sanitaire élémentaire. Dans les bidonvilles, plus de 2,5 milliards de personnes dans le monde restent privées d’une installation sanitaire de base. C’est le cas dans les bidonvilles de Nairobi où cette situation affecte 2,5 millions d’individus. Pour leurs besoins, ils utilisent des fosses à ciel ouvert ou des sacs plastiques qu’ils déposent dans la rue ou jettent simplement au loin.

« Sanergy est une solution rentable – donc durable – d’assainissement dans les bidonvilles. Notre objectif ? Servir plus d’un demi-million de personnes à Nairobi. » David Auerbach, cofondateur de Sanergy

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3 QUESTIONS À DAVID AUERBACH – CO-FONDATEUR DE SANERGY

Pour d’informations, consultez notre blog Secteur Privé & Développement

Galerie d'images

Alex Wekesa ©Sanergy

Utilisatrice de Fresh Life ©Sanergy

Fermier ©Sanergy

©Sanergy

Sanergy, Kenya ©Romain Esperon

Le fonds Novastar : améliorer les conditions de vie des plus démunis ©Romain Esperon

En savoir plus

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0,025 CENTIME D’EURO

Sur un modèle proche des toilettes mobiles de chantier, la société américano-kényane Sanergy a développé des toilettes à partir de matières premières locales. Des matières premières assemblées par une main-d’oeuvre locale, notamment des habitants des bidonvilles.

Compactes, ces Fresh Life Toilets (FLT) sont munies d’un système de stockage autonome. Elles peuvent de ce fait être implantées et utilisées partout. Pour la distribution de ces FLT, Sanergy a mis au point un système de franchise auprès des habitants des bidonvilles. Les dénommés Fresh Life operators (plus de 300 aujourd’hui) gèrent les toilettes comme des entreprises, en faisant payer l’accès à chaque utilisateur. Ils fixent eux-mêmes le tarif en fonction des moyens de leur clientèle : 0,025 à 0,043 centimes d’euro, en moyenne (3 et 5 shillings).

Sanergy travaille également avec les propriétaires fonciers afin qu’ils installent des toilettes salubres sur leur terrain. Certains ont augmenté les loyers pour amortir le coût des FLT mais la plupart ont constaté que l’installation de toilettes accroissait le taux d’occupation de logements équipés, ce qui couvrait largement leur investissement.

Afin de garantir la qualité du service, le bon fonctionnement des installations et de stimuler la demande, Sanergy assure des services d’appui auprès de ses opérateurs, notamment elle accompagne l’obtention des titres de propriété et du permis de construire (des démarches complexes, dans les bidonvilles). Les opérateurs peuvent également bénéficier d’une formation pour acquérir des compétences en comptabilité, en service à la clientèle, etc.

En partenariat avec l’ONG Kiva, qui propose à des internautes de prêter de l’argent à des institutions locales de microcrédit, Sanergy offre des prêts à taux zéro sur 12 ou 24 mois pour l’achat de toilettes (500 dollars l’unité). Depuis son lancement, fin 2011, 646 toilettes ont été installées dans huit bidonvilles de Nairobi. Elles reçoivent plus de 30 000 visites par jour et ont permis la collecte et le traitement de 7 500 tonnes de déchets.

ET DEMAIN ? KIGALI, KAMPALA… ?

Le traitement et la transformation des déchets, sa principale source de revenus, sont les clés du succès de Sanergy. Dans les bidonvilles, des équipes logistiques assurent l’entretien et la collecte des réservoirs des toilettes.

Grâce à l’essor de son réseau, Sanergy a même pu étendre ce service à la collecte des déchets alimentaires, pour le compte d’autres entreprises. Les déchets sont acheminés dans une usine de traitement, où ils sont convertis en engrais biologique (dénommé Evergrow) et en aliments pour animaux à base d’insectes.

Ces produits sont commercialisés auprès de plus de 200 exploitants agricoles. À noter qu’Evergrow ferait croître les récoltes de 30 % à 100 %.

Aujourd’hui, David Auerbach, le cofondateur de Sanergy, nourrit l’ambition « d’étendre cette initiative à toutes les grandes villes du monde où elle peut être utile et implantée : Kigali, Kampala et Mombassa… ».

NOVASTAR, LE PARI DU SOCIAL BUSINESS

Via son Fonds d’investissement et de soutien aux entreprises en Afrique (FISEA), et conseillé par Proparco, le groupe AFD a investi 5,5 millions de dollars dans Novastar Ventures East Africa Fund.

Doté de 80 millions de dollars, ce fonds a pour vocation d’accompagner des start-ups capables d’apporter des solutions innovantes pour rendre accessibles des biens et des services essentiels en Afrique de l’Est. Novastar a déjà investi dans huit entreprises, dont SolarNow, spécialisée dans les équipements solaires domestiques à bas coût pour les habitants des campagnes ougandaises et Sanergy.

PAROLES D’EXPERT

Bénédicte Faivre-Tavignot, professeure affiliée à HEC Paris, cofondatrice de la chaire Social business Entreprise et Pauvreté :

Vous avez dit social business ?

Entre la logique du don et celle de la maximisation du profit, émerge depuis quelques années une voie intermédiaire : celle du social business.

L’idée repose sur un double constat. D’une part, les pouvoirs publics et la société civile peinent – notamment dans les pays pauvres – à résoudre certaines problématiques comme l’insécurité alimentaire, le manque d’accès à la santé, à l’eau, à l’énergie ou à un logement digne. De l’autre, la logique de maximisation du profit montre ses limites en accentuant, par exemple, la pression sur les ressources, et en contribuant au réchauffement climatique, à l’accroissement des inégalités.

L’entreprise privée peut apporter des réponses à ces défis. Avec le social business, elle se met au service de causes sociétales. Le profit devient alors un moyen et non une fin en soi, et l’entreprise n’agit pas seule, mais en co-création avec les institutions publiques et la société civile.

Extrait de « Social business : entreprendre et investir autrement », Secteur Privé & Développement n° 23, février 2016.

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