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Après des études supérieures en France et en Côte d’Ivoire et de premières expériences professionnelles dans le secteur du digital, Youssouf Ballo, juriste de formation et passionné du numérique, décide de monter son entreprise, destinée à accompagner les entrepreneurs dans leurs démarches juridiques. Pour pallier à l’absence de documents et d’aide disponibles en ligne pour les porteurs de projet, il crée Legafrik en 2017, une organisation dont les bureaux sont situés à Abidjan et qui emploie désormais plus d’une vingtaine de personnes.

Quels sont les services proposés par Legafrik ?

Grâce à sa plateforme digitale, Legafrik facilite les démarches juridiques et comptables des entrepreneurs de la zone OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, qui regroupe 17 pays de l’Afrique Centrale et de l’Ouest). Beaucoup d’entrepreneurs ont des besoins juridiques au moment de la création de leur entreprise et ils n’ont pas tous les moyens de se rendre chez un comptable ou un notaire pour effectuer ces démarches. Ceux qui entreprennent eux-mêmes les formalités passent par le guichet unique, se lançant ainsi dans un processus souvent chronophage et complexe dans la mesure où les porteurs de projet manquent généralement d’informations sur les documents à rassembler et la façon de compléter de leur dossier.

C’est à ce moment que Legafrik intervient : via sa plateforme, l’entreprise accompagne chaque entrepreneur dans le choix de sa structure juridique (SARL, SAS, Start-up, ONG…) et dans la rédaction des documents nécessaires à l’immatriculation de son organisation. Elle permet également la gestion de la vie juridique de l’entreprise, via un accompagnement à la rédaction de documents pour des augmentations ou des réductions de capital par exemple, et offre des services d’assistance comptable. Une plateforme de e-signature a également été développée, notamment afin d’accélérer les procédures contractuelles entre acteurs de différents pays.

Quels sont les types d’entreprises visées par Legafrik ?

Legafrik accompagne aussi bien des TPE et des PME que des plus gros groupes. La majorité des clients souhaite se constituer en SARL mais beaucoup d’entrepreneurs individuels sollicitent aussi nos services. Des entreprises et entrepreneurs internationaux (chinois, indiens, américains, français…) souhaitant s’implanter en Côte d’Ivoire ou dans un de nos autres pays d’activités, passent également par Legafrik pour s’immatriculer.

Enfin, nous travaillons avec des acteurs de l’informel pour les aider à se formaliser. Ceux-ci ont en général des perceptions erronées des conséquences de leur formalisation. Nous effectuons donc un premier travail d’information et de sensibilisation avant de les accompagner dans leurs démarches. Grâce à cela, ils pourront accéder à des financements bancaires, bénéficier d’une meilleure protection sociale et devenir prestataire direct de certains de leurs clients. A date, ce sont plus de 3000 entrepreneurs qui ont été accompagnés par Legafrik.

Quels impacts attendez-vous de votre activité ?

Notre but est de rendre les services juridiques de base accessibles au plus grand nombre dans les pays de l’OHADA. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’inclusion financière mais je pense qu’il est aussi important de parler d’inclusion juridique. Notre mission est donc de permettre à tous d’accéder à n’importe quel service juridique à des frais très abordables. Si nous avons commencé nos activités dans le secteur du droit des affaires, il n’est pas impossible que nous élargissions nos activités dans les prochaines années et que nous nous attaquions au droit de l’immobilier ou même au droit de la famille pour rendre ces domaines plus accessibles.

Comment faites-vous pour rendre votre solution accessible au plus grand nombre ?

Tout d’abord, nous proposons nos services à des coûts limités et quatre fois inférieurs à ceux d’un notaire ou d’un comptable à Abidjan. Grâce à l’automatisation sur la plateforme d’une grande partie du travail, nous passons un temps plus limité sur les dossiers : c’est ce qui nous permet de proposer des prix aussi compétitifs.

Néanmoins, notre solution est pour l’instant destinée à des populations ayant un bon accès à internet et si le taux de pénétration du smartphone est assez élevé en Côte d’Ivoire, la connexion Internet reste inaccessible dans certaines zones du pays, en milieu rural notamment. Nous réfléchissions donc actuellement au meilleur moyen de toucher des populations rurales, éloignées des services du guichet unique et qui ne disposent généralement ni de smartphone ni d’une connexion Internet stable. Nous envisageons ainsi la mise en place de solutions USSD (Unstructured Supplementary Service Data, un protocole qui permet de déclencher un service par envoi d’un simple SMS) : en tapant un code prédéfini sur son téléphone, un entrepreneur en zone rural pourrait ainsi lancer son processus de création d’entreprise avec Legafrik ou accéder à n’importe quel autre service juridique proposé par l’entreprise.

Quelles sont vos perspectives pour les années à venir ?

Nous sommes aujourd’hui physiquement présents en Côte d’Ivoire et travaillons avec des partenaires locaux dans d’autres pays comme le Bénin ou le Burkina Faso. Nous avons également une très forte demande en provenance du Sénégal et du Cameroun. Dans un premier temps, nous aimerions donc ouvrir de nouveaux bureaux dans ces deux pays. Ensuite, nous aimerions développer nos services de signature électronique car de plus en plus d’organisations, publiques comme privées, vont y avoir recours et nous voudrions être les premiers à vulgariser cette solution en Afrique. Enfin, l’objectif serait d’étendre nos services en dehors du droit des affaires.

Comment se manifeste le soutien de l’AFD et dans quelle mesure vous permettra-t-il de réaliser vos objectifs ?

Je fais en ce moment partie du programme IPAT opéré par le fonds I&P, qui fait plus largement partie du programme de fonds d’amorçage Digital Africa financé par l’AFD. Je suis très heureux d’avoir été sélectionné pour ce programme qui ne bénéficie qu’à quelques start-ups sur toute la Côte d’Ivoire et remercie l’AFD et Comoé Capital pour leur soutien.

Legafrik va ainsi bénéficier de financements qui nous permettront d’ouvrir nos bureaux à Dakar, de recruter les équipes locales et de lancer un plan marketing à grande échelle au niveau du Sénégal. C’est vraiment une étape très importante car un des challenges auxquels nous avons fait face au début de l’aventure Legafrik était le manque de confiance des entrepreneurs dans la plateforme. En effet, beaucoup de clients abandonnaient à l’étape du paiement du panier, de peur d’être victimes d’une cyber-arnaque. La présence de locaux où venir effectuer les paiements dans un premier temps a permis de rassurer les utilisateurs et nous espérons créer cette même dynamique au Sénégal.

Nous sommes également accompagnés sur la structuration financière de l’entreprise et mes équipes et moi-même ne cessons de développer de nouvelles compétences.

Qu’est-ce qui vous rend le plus fier dans votre projet ?

Ce qui me rend le plus fier aujourd’hui, c’est l’impact du projet. Certains de mes clients étaient dans l’informel depuis plusieurs années et devaient passer par des intermédiaires qui leur prenaient des commissions importantes. Par exemple, un de mes clients qui travaillait dans le secteur du BTP n’était pas légalement constitué et devait passer par une autre entreprise qui encaissait les chèques à sa place et prenait une commission de 35%. Legafrik l’a accompagné dans sa formalisation et grâce à notre soutien, il a ensuite pu intervenir en direct auprès de ses clients et encaisser ses premiers chèques. C’est ce genre d’histoire qui me motive au quotidien !

Un message à faire passer aux futurs entrepreneurs ?

Aujourd’hui, il y a une réelle opportunité de changer les choses sur le continent africain, notamment grâce au numérique. Il n’y a pas forcément besoin de moyens colossaux au début : il faut avoir une vision, savoir l’écouter et se lancer. Si le produit répond à un besoin, les financements viendront. Il faut croire en ce que l’on fait et persévérer. L’Afrique, c’est l’avenir et il y a plein d’opportunités à saisir !

Propos recueillis par Julie Barbarin

 


A propos du Fonds d’amorçage by Digital Africa: Le fonds d’amorçage by Digital Africa est consacré au financement et à l’accompagnement des start-ups digitales africaines. Doté par l’Agence française de développement (AFD) de 15 millions d’euros, le fonds s’appuie sur l’expertise de six opérateurs de l’écosystème pour développer des programmes de formation pour les incubateurs et de financement des phases d’amorçage pour les start-ups dans 45 pays africains. Ce fonds s’inscrit dans l’initiative Digital Africa, qui a pour mission de renforcer la capacité des entrepreneurs numériques africains à concevoir et déployer à grande échelle des innovations de rupture au service de l’économie réelle. Plus d’informations ici


A propos de la cellule EEI à l’AFD : En vue de renforcer son impact, le Groupe AFD appuie le développement de l’entrepreneuriat social et inclusif, tout en prenant en considération les contraintes et enjeux rencontrés par les acteurs qui le composent. La cellule Entrepreneuriat et Economie Inclusive, au sein du département Transition Economique et Financière de l’AFD, offre une expertise afin de renforcer les écosystèmes entrepreneuriaux inclusifs, et d’accompagner la création et le développement d’entreprises durables au travers d’outils financiers et de formations adaptés.


propos de la division Numérique : Au sein de l’AFD, elle identifie et instruit des projets numériques d’investissement pour le développement et la décarbonation (infrastructures vertes d’accès au numérique, innovation entrepreneuriale et écosystèmes de startups, …). Elle appuie également les autres divisions sectorielles dans la modernisation et la décarbonation numériques des services de santé, d’éducation, de gouvernance publique, de mobilité, d’énergie, d’alimentation, de régénération des ressources naturelles, etc.