Cet événement a réuni sur un plateau et en duplex depuis l’Afrique de nombreux acteurs économiques, entrepreneurs, experts et partenaires financiers de Proparco. L’occasion de présenter un bilan d’étape de l’initiative Choose Africa en faveur de l’entrepreneuriat africain et de donner la parole à ses bénéficiaires et partenaires. Morceaux choisis.
Depuis maintenant 3 ans, l’initiative Choose Africa – pilotée par Proparco – met au service des start-up, TPE et PME du continent africain tous ses outils pour accompagner leur croissance. Choose Africa concrétise ainsi l’engagement de la France de consacrer 2,5 milliards d’euros d’ici à 2022 en faveur de ces entreprises. Plus de 2 milliards d’euros ont déjà été engagés, ce qui représente un soutien à plus de 16 000 entreprises et des dizaines de milliers d’entrepreneurs sur l’ensemble du continent. Pour répondre aux enjeux posés par la crise de Covid-19, un nouveau volet Resilience de 1 milliard d’euros s’est ajouté à l’enveloppe initiale, ce qui porte l’engagement aujourd’hui à 3,5 milliards d’euros dédié à l’entrepreneuriat africain.
Choose Africa, choose the future
C’est dans ce contexte et afin de présenter un bilan d’étape de cette initiative que Proparco a diffusé, le 8 juin, son émission digitale « Choose Africa on Air ». « Notre rôle est d’accompagner ces entrepreneurs, ces porteurs de projet qui ont tous une réponse à apporter aux défis du continent. Nous sommes au plus près de l’Afrique qui bouge », a d’abord rappelé Grégory Clemente, directeur général de Proparco. « L’accès à l’eau, à l’énergie, à des services essentiels… L’Afrique aujourd’hui innove, elle entreprend. Nous devons accompagner cette dynamique. L’Afrique peut contribuer fortement à un nouveau cycle de croissance durable à l’échelle de la planète »
Un constat qu’a partagé l’économiste Vera Songwe, secrétaire générale adjointe des Nations Unies et secrétaire exécutive de la Commission Économique pour l’Afrique (CEA), pour qui le secteur privé permet de créer de futurs emplois notamment dans les économies émergentes. « Chaque TPE-PME africaine est une multinationale en herbe », a-t-elle estimé. Mais alors que la pandémie de Covid-19 a déjà détruit des milliers d’emplois, il est plus que jamais nécessaire « d’aider ces entreprises à accéder aux crédits ».
à crise exceptionnelle, outils exceptionnels
Même analyse et même sentiment d’urgence face à la crise de James Mwangi, directeur général d’Equity Bank, groupe financier panafricain qui compte 15 millions de clients et soutient 2 millions de TPE-PME. « Les TPE-PME sont l’âme de l’entrepreneuriat en Afrique. Elles participent activement à la transformation du continent », a-t-il précisé, avant de rappeler le prêt de 100 millions de dollars accordé par Proparco à Equity Bank en octobre 2020, au plus fort de la crise sanitaire. Une opération qui s’inscrit dans le cadre de Choose Africa et qui doit cibler majoritairement les TPE-PME créatrices d’emplois ainsi que les projets à co-bénéfices climat. Pour James Mwangi, ce partenariat va permettre de consentir davantage de prêts aux entreprises africaines. « Il est important d’agir en partenariat avec les banques de développement de façon à mettre en place des offres en faveur des TPE-PME, par les biais de garanties ou des facilités de crédits ».
C’est justement ce que propose le volet Resilience de Choose Africa doté d’outils adaptés au contexte de la crise. Ainsi, comme l’a alors expliqué Xavier Echasseriau, adjoint Garanties pour le Développement à la division des Institutions financières à Proparco, la garantie Choose Africa Resilience permet de couvrir un prêt d’urgence à hauteur de 80 %, remboursable sur une durée comprise entre 1 et 5 ans. Et offre la possibilité aux banques commerciales d’accorder plus facilement à leurs clients des financements complémentaires, à l’instar de la Société Générale Côte d’Ivoire. « Ce produit nous permet, en période de crise, de continuer à jouer notre rôle de financement auprès des PME ivoiriennes », a reconnu Aymeric Villebrun, représentant de la banque française à Abidjan. Une aide qui a directement bénéficié à différents porteurs de projet, dont Willy Raoul, à la tête de la PME ivoirienne Art de vie, lourdement impactée par la pandémie. « Sans la garantie Choose Africa Resilience et le soutien de la Société Générale, j’aurais déposé le bilan », a-t-il témoigné. Tandis que Fatoumata Sissoko-Sy, directrice régionale de Proparco en Afrique de l’Ouest, a rappelé combien ces outils d’accompagnement permettent à Proparco « de poursuivre son rôle essentiel de soutien aux entrepreneurs à fort impact et de favoriser l’inclusion financière ».
La crise, accélérateur de la digitalisation en Afrique
Face à la crise sanitaire, un grand nombre d’entreprises ont dû revoir leurs modèles, alors que d’autres – en particulier les start-up proposant des solutions innovantes (e-commerce, Ed Tech, etc.) – ont su profiter de ce contexte inédit. « Dans notre portefeuille et dans ceux des fonds dans lesquels nous sommes partenaires, ces start-up innovantes ont doublé leur chiffre d’affaires en 2020 », a confirmé Johann Choux, responsable Venture Capital à Proparco. Puis, la parole est donnée au Cameroun à Eric Pignot, à la tête du groupe Enko Education qui prépare au concours d’entrée aux meilleures universités africaines, à Gregory Rokson, co-fondateur de m-Pharma au Ghana et à Omobola Johnson, ancienne ministre des technologies et des télécommunications du Nigéria et actuelle senior partner du fonds TLCom Capital. Cette accélération de l’économie africaine par le digital a également été illustrée avec l’exemple du groupe kenyan poa! internet qui fournit un accès rapide, abordable et illimité à internet aux populations à faibles revenus.
Investir à toutes les étapes d’un projet
Choose Africa accompagne tous les potentiels du secteur privé en Afrique et met à disposition des entrepreneurs une large palette de produits financiers permettant une réponse au plus proche de leurs attentes. Cette offre se décline schématiquement sur tous les stades de développement de la société : pré-amorçage, amorçage, passage à l’échelle et expansion. On parle dès lors d’un continuum de financements en matière d’investissement. « Nous modulons nos interventions avec des tailles d’investissements allant de quelques dizaines de milliers d’euros à plusieurs dizaines de millions d’euros », a précisé Damien Braud, responsable de la division Investissement Afrique de Proparco. Une approche d’accompagnement « sur-mesure » qui a bénéficié au Legacy Girls College au Ghana, soutenu par Oasis African Fund, partenaire de Proparco. Ainsi qu’au groupe marocain ODM, spécialisé dans le diagnostic médical et les services en oncologie, comme a pu le préciser son dirigeant Mohamed Elmandjra. « En 2018, Proparco est rentrée dans le capital de ODM, ce qui nous a permis de bénéficier de son soutien financier mais aussi de son réseau et de son expertise en matière de RSE », a-t-il précisé. « Nous sommes passés d’une structure de 45 employés et d’une dizaine de médecins à un réseau d’une douzaine d’entités réparties dans 6 régions du Maroc, employant au total 500 professionnels, dont 130 médecins. »
En complément, le Groupe AFD propose des services extra-financiers de renforcement de compétences (au travers des programmes de formations et de mentorats par exemple) à destination de l’écosystème entrepreneurial africain dont les incubateurs. « L’Afrique va devoir insérer sur le marché du travail 450 millions de jeunes d’ici 2050. C’est un défi majeur », a alors rappelé Sarah Marniesse, responsable du Campus AFD qui met en place plusieurs programmes d’accompagnement dont le Social and Inclusive Business du Group (SIBC). « L’accompagnement extra-financier est essentiel pour construire de la résilience et comprendre le monde dans lequel nous vivons. »
Soutenir l’entrepreneuriat féminin
Choose Africa vise aussi à promouvoir l’entrepreneuriat féminin, alors que les femmes à la tête de TPE-PME africaines peinent à accéder à des financements. 24 % des femmes africaines sont pourtant entrepreneures (versus 8 % en Asie) et leurs activités génèrent chaque année 150 à 200 milliards de dollars de revenus. « Or, moins de 30 % d’entre elles sont bancarisées et moins de 5 % ont accès à des lignes de crédit », a souligné Myriam Brigui, directrice du pilotage réseau à Proparco qui a détaillé l’engagement du Groupe AFD dans l’initiative 2X Challenge en faveur de l’entrepreneuriat féminin. L’enjeu est crucial tant ces difficultés d’accès au crédit touchent l’ensemble des femmes africaines, y compris en Afrique du Sud comme l’a confirmé en direct de Johannesburg, Siby Diabira, directrice régionale pour l’Afrique Australe et l’océan Indien à Proparco.
En Tunisie, la situation économique des micro-entrepreneures est également compliquée. Même si « le microcrédit redonne un pouvoir décisionnel à ces femmes ; un pouvoir qui leur a été enlevé pendant des siècles », selon Essma Ben Hamida, fondatrice de l’ONG tunisienne Enda, qui œuvre sur place en faveur de l’entrepreneuriat féminin. Au Sénégal, la PME Lysa & Co – dirigée par une femme – a, quant à elle, fait le choix de n’employer que des femmes aux postes à responsabilité, tout en contribuant au développement économique local. Le Sénégal justement où la culture de l’entrepreneuriat féminin est très présent, comme l’a souligné en direct de Dakar Khadidiatou Nakoulima, fondatrice de l’entreprise NEST, PME spécialisée dans le suivi médical de la mère et de l’enfant en bas âge. « Il est nécessaire et urgent dans les grandes entreprises et les PME qu’il y ait plus de femmes dans les instances de direction pour pouvoir donner l’égalité des chances à celles qui ont fait la preuve de leurs compétences. »
Financer les plus grand nombre
L’émission a mis l’accent sur l’importance d’une démarche inclusive et s’est poursuivie avec une séquence dédiée à l’impact de Choose Africa auprès de tous les entrepreneurs africains quel que soit le stade d’avancement de leur projet. Et ce alors que le secteur informel reste une composante essentielle des économies d’Afrique subsaharienne, comme l’a expliqué Laurence Bottin chargée d’affaires senior à Proparco.
Dès lors, seule la microfinance permet de répondre aux besoins de cette clientèle souvent vulnérable et exclue des services bancaires traditionnels. À l’instar d’AB Bank en Zambie, partenaire de Choose Africa et seule institution bancaire du pays à financer des micro-entrepreneurs avec un montant moyen de 900 dollars, a rappelé Rambert Namy, administrateur d’AB Bank Zambie. « En l’espace d’une semaine seulement, AB Bank nous a accordé un premier prêt d’un montant de 7 700 euros qui nous as permis de réapprovisionner notre stock. Puis nous en avons contracté un second de 30 000 euros qui va nous permettre d’ouvrir une nouvelle filiale », a témoigné Kenneth Kapampa, directeur de la PME Asthton Pharmaceuticals, spécialisée dans la distribution de produits pharmaceutiques. Pour Dorothy Kasompe, agricultrice à la tête de la ferme Funamwango, l’aide d’AB Bank a permis d’investir dans du matériel agricole, dont un réservoir à eau. « Sans cette aide, cela aurait été impossible ». Cette approche par la microfinance est aussi portée par la fondation Grameen Crédit Agricole, à qui Proparco a récemment renouvelé une garantie de 10 millions d’euros. Ce qu’a expliqué Philippe Guichandut, son directeur du développement de la finance inclusive.
En Afrique du Sud, la fintech Jumo finance également des micro-entrepreneurs non bancarisés via un dispositif de mobile-banking. Progressivement le concept de l’inclusion s’élargit et porte sur des dispositifs d’offres de services plus larges. C’est le cas de la société SA Taxi qui, outre des financements à des PME sud-africaines pour acquérir des taxis collectifs moins polluants et plus sûrs, met aussi à disposition de ses clients une large gamme de services (maintenance réparation, assurance, services de sécurité routière, collecte de données de géolocalisation) qui permet d’inclure un grand nombre d’acteurs économiques, issus notamment du secteur informel.
Conclusion de Grégory Clemente
Pour le mot de la fin, Grégory Clemente, directeur général de Proparco, a rappelé les impacts considérables de la crise actuelle sur l’ensemble des économies africaines. « Nous avons pu observer une recrudescence des inégalités et de la pauvreté. Mais l’Afrique a beaucoup de talents. C’est une Afrique qui entreprend. Nous devons, comme cela a été le cas dans cette émission, montrer que de belles histoires entrepreneuriales se construisent sur le continent et entraîner de nouveaux acteurs. […] Nous allons accélérer nos investissements en nous appuyant sur l’AFD, notre maison-mère, ainsi que sur notre réseau de partenaires, nos homologues européens et l’Union européenne. »